La proie de l'autostop, Autostop rosso sangue, Pasquale Festa Campanile, 1977
Il y a tout un sous-genre du film
noir qui traite des dangers et de l’angoisse de l’autostop. Le modèle du genre
est le film d’Ida Lupino, Hitch-Hicker,
en 1953. Mais The hitcher, de Robert
Harmon avec Rutger Hauer qui date de 1986 était aussi très réussi. Pour peu que
le film ne sombre pas dans le délire gore, le thème offre un canevas pour des
bons films. Cela provient du face à face entre des gens plus ou moins
ordinaires et en général un personnage un peu dégénéré, ce qui rend les choses
difficilement arrangeables. Le psychopathe croisé sur la route est aussi très
souvent le révélateur de la solidité d’un couple plus ou moins dans
l’expectative.
La proie de l’autostop manipule l’ensemble de ces ingrédients d’une manière plutôt originale. Un couple d’Italiens, lui est reporter, elle est la fille du patron du journal, se balade aux Etats-Unis à la recherche de sujets de reportage, mais surtout d’une raison qui va les faire continuer. Ils vont croiser la route d’un assassin, Konitz, qui est aussi membre d’une bande qui a réussi un braquage de 2 millions de dollars. Ils le prennent en stop, et rapidement ils vont tomber sous sa coupe. Konitz qui descend tous les flics qui l’approchent, a aussi des visées sur la belle Eve, ce qui accroit l’angoisse de Walter qui ne sait trop comment faire pour s’en sortir sans perdre son honneur. Bientôt le trio va être rattrapé par les complices de Konitz qui veulent évidemment récupéré le pognon du hold-up. De massacre en massacre, on s’achemine tranquillement vers la fin quand le couple formé par Walter et Eve tombe sur une bande d’abrutis, mi-délinquants, mi-adolescents en colère, qui vont provoquer un terrible accident dans lequel Eve laissera sa peau.
Walter et Eve ont eu le tort de prendre Konitz en stop
Film à petit budget, sensé se
passer aux Etats-Unis, on voit assez facilement que les routes et les décors
n’ont rien à voir avec l’Amérique. Si l’action est pourtant située dans ce pays
c’est parce qu’il attire le spectateur par sa violence et ses mœurs débridés. Il
vise d’abord un public populaire qui ne s’embarrasse pas de finasseries. Mais
malgré cela il réussit à passer quelques idées intéressantes un peu en fraude.
Il va y avoir une approche un peu renouvelée d’un sujet rebattu. En règle
générale les films avec auto-stoppeur font de l’affrontement avec le héros le
centre du sujet. Ici ce n’est pas le cas, le scénario tourne autour de
l’affrontement entre Walter et Eve, le psychopathe Konitz n’est que le
révélateur d’un couple à la dérive. Dès les débuts d’ailleurs on nous présente
un Walter un peu louche, buvant, ne pensant qu’à baiser sa femme, et celle-ci
qui semble se délecter du peu de délicatesse de son mari.
C’est donc une vérité un peu crue qui va dominer le film. Deux des tueurs sont homosexuels et présentés comme des fous furieux ayant abandonné toute espèce de morale pour vivre des passions louches. Konitz parle gras, viole Eve après l’avoir tripotée sous les yeux ahuris de son mari qui ne sait pas comment réagir. L’ensemble du film se situe au-delà des questions de morale. Aucun des personnages ne présente une once de bonté et de compassion pour les autres. C’est le cas de Konitz, mais aussi des jeunes motards que le couple rencontre, et bien sûr aussi de Walter. Le film est bien sûr fait pour choquer en proposant des scènes de violence et de sexe plutôt osées pour l’époque. La fin surprendra en évitant les sempiternelles réconciliations entre des époux ennemis qui finalement ont compris les leçons du drame qu’ils vivent.
Sous la menace de son arme Konitz veut violer Eve
Si le manque de moyens peut
rebuter certains spectateurs, par contre l’interprétation est tout à fait à la
hauteur du projet. Il y a d’abord Franco Nero, le grand acteur italien du
cinéma populaire des années soixante-dix, dans le rôle de Walter. Par-delà son
physique de play-boy aux yeux clairs, il montre toute l’étendue de son talent
en alternant toute une gamme de sentiments qui vont de la colère à l’ironie
morbide en passant par la peur. Il n’a pas le beau rôle. Eve est interprétée
par Corinne Cléry, une actrice française complètement oubliée aujourd’hui, et
qui était partie faire une carrière dans le cinéma populaire italien comme de
nombreux autres acteurs français, comme Luc Merenda, Jacques Sernas ou Jean
Sorel. Elle est très bien et n’hésite pas à nous dévoiler tous ses charmes, ce
qui fut finalement une de ses spécialités à l’écran. Mais elle n’a pas qu’un
corps parfait, elle joue très bien. Elle n’aura guère accès à des films de
première catégorie, un petit rôle dans Moonraker.
Elle jouera plutôt dans des films où sa sexualité débordante fera
merveille. Le tueur psychopathe est David Hess. Un acteur américain de second
rang – les Italiens musclaient à cet époque leur casting en y ajoutant toujours
au moins un acteur américain – qui s’était fait une spécialité dans les années
soixante-dix des rôles de violeur et de tueur fou. On peut lui reprocher une
approche un peu caricaturale de son rôle. Mais comme avant tout il agit ça n’a
guère d’importance.
Eve a de la ressource même dans le plus simple appareil
Pasquale Festa Campanile n’a
jamais été un grand réalisateur. S’il a travaillé en tant que scénariste avec
des grands réalisateurs comme Bolognini ou Elio Petri, il a plutôt œuvré en
tant que réalisateur dans le cinéma populaire sans trop de prétention. Si le
film réussit à surprendre par la mise en scène de l’affrontement entre Walter
et Eve, il comporte tout de même un certain nombre de défauts. Les routes qui
ont été manifestement filmées en Italie, sont très étroites et empoussiérées et
ne correspondent pas aux nécessités américaines de traverser rapidement des
grands espaces désertiques. De même les jeunes motards chevauchent des espèces
de mobylettes ridicules ce qui leur enlève beaucoup de crédibilité.
L’ensemble du film manque aussi un peu de rythme, le camion poursuivant la voiture et sa caravane, est très longue, d’autant qu’on a vite compris qui conduisait ce camion sinistre. Mais c’est compensé par la violence de l’action, comme par exemple quand Eve sort de sa caravane, nue, le fusil à la main, déterminée à faire le ménage.
Des jeunes motards bien peu innocents vont provoquer un accident
L’ensemble est intéressant, débordant d’ironie, sans trop se prendre au sérieux aussi. S’il n’est pas à proprement parler un poliziotteschi des années 70, il participe néanmoins à ce renouveau du film noir dans la péninsule, et il vaut le détour.
La voiture et sa caravane plongent dans le vide
Commentaires
Enregistrer un commentaire