L’affaire du Dernier tango à Paris, censuré à la Cinémathèque française

 

La Cinémathèque française devait projeter dimanche 15 décembre le film de Bernardo Bertolucci, Dernier tango à Paris. Cette projection fut annulée à la dernière minute[1]. Le motif en était la   pression des associations féministes qui considéraient que Maria Schneider avait sur ce film été violée par Marlon Brando avec la complicité du réalisateur. Et ce viol aurait fini de perturber la jeune actrice qui aurait ensuite été de dégringolade en dégringolade. Tout cela semble être vrai et documenté selon les témoignages de Maria Schneider et même de Bernardo Bertolucci qui sur cette question a fait amende honorable, disant que pour donner plus de vérité à son film il avait effectivement piégé la jeune actrice. Elle avait dix-neuf ans à cette époque et donc selon la loi, elle était encore mineure, l’âge adulte était à ce moment-là fixé par la loi à 21 ans, et il sera redéfini en juillet 1974 et abaisser à 18 ans.  

Cependant l’affaire est d’autant plus complexe que l’actrice elle-même a reconnu en 2007 au journal britannique Daily Mail que la scène du viol n’avait pas été réelle, mais seulement simulée. Mais bien sur elle s’est sentie humiliée parce qu’elle n’était pas préparée. Tout cela évidemment ne dit rien de la qualité du film qui fut un immense succès mondial, secouant les cadres trop rigides de la morale en Occident.   

Bertolucci, Brando et Maria Schneider sur le tournage 

Depuis de l’eau a passé sous les ponts et les trois protagonistes de cette histoire trouble sont tous décédés. Il ne reste donc plus que cette histoire de censure développée par les associations féministes. La Cinémathèque française a donc cédé devant ces associations qui au fond ne représentent rien du tout, seulement l’air du temps et dont les extravagances sont relayées complaisemment par les journalistes. Le dernier tango à Paris est considéré par beaucoup comme un chef-d’œuvre, ce n’est pas mon cas. Je l’ai vu bien entendu et j’ai été comme tout le monde impressionné par l’interprétation de Marlon Brando, improvisée largement. Mais pour le reste, je trouve cet exercice vain, voire plutôt morbide. Doit-on l’interdire ? Non, je trouve cette chasse aux sorcières stupide pour ne pas dire plus. Ce parfum de scandale a d’ailleurs permis la production d’un film, Maria, sorti en 2024, et réalisé par Jessica Palud. Ce dernier film fut un véritable four[2]. Il est vrai que donner à Matt Dillon qui par ailleurs est un bon acteur, le rôle de Marlon Brando est un pari difficile, sans parler de Anamaria Vartolomei dans celui de Maria Schneider. Le parti pris du film est d’ailleurs de représenter le tournage du Dernier tango à Paris comme le fait majeur qui précipita Maria Schneider dans des déséquilibres profonds, alors qu’elle avait bien d’autres problèmes personnels antérieurs à ce film. Fachée avec sa mère, son père, Daniel Gélin, l’avait introduite très jeune dans le milieu délétère du cinéma. Elle avait également des problèmes d’addiction à la drogue avant de rencontrer Bertolucci.   

Le biopic Maria, tourné par Jessica Palud et sorti en 2024 

Il est vrai que les biopics donnent rarement des œuvres convaincantes. Mais seuls les journalistes se sont intéressés à ce film. Pour autant cela a été un argument pour les associations féministes pour tenter d’interdire la projection du film de Bertolucci. Le principal pourtant n’est pas là, il réside en fait dans le comportement des associations féministes qui s’érigent en tribunal, et aussi des institutions qui plient sans raison à leurs oukases. C’est une véritable honte que la Cinémathèque française ce soit pliée à cette volonté de censure. Le fond de l’affaire est qu’il y a toujours une partie de la population, le plus souvent minoritaire, qui décide de lancer une chasse aux sorcières : aux Etats-Unis ce fut à la des années quarante, l’HUAC qui entrepris d’épurer le cinéma, l’édition et même le secteur de l’enseignement au prétexte fallacieux d’un danger communiste. Autrement dit et quel que soit le prétexte foireux, il y a toujours des gens prêts à imposer leur vision de la réalité aux autres. On doit absolument refuser de se plier à la censure, ce qui n’empeche pas évidemment de se poser des questions sur le film, son contenu et la façon dont il a été réalisé. La censure est toujours une mauvaise chose en matière cinématographique.    

Bertolucci, Brando et Maria Schneider sur le tournage


[1] https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/12/15/la-cinematheque-francaise-annule-la-projection-du-dernier-tango-a-paris-apres-une-vive-polemique_6450277_3246.html

[2] Le film fera 63 000 entrées en France durant l’été 2024.

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