Robert Hossein et les nazis

La nuit des espions, Robert Hossein, 1959 

On s’intéresse assez peu à la carrière des acteurs en regardant vers quels rôles ils se sont dirigés. Il y a pourtant là une manière de système qui éclaire leur personnalité. Durant sa longue carrière, Robert Hossein a endossé très souvent le costume du mauvais garçon, du voyou, mais aussi du nazi. Dans tous ces rôles il était voué à disparaitre. Il incarnait souvent mal comme une manière de l’exorciser. On ne trouverait pas une telle récurrence par exemple chez Jean-Paul Belmondo. Et donc même si Robert Hossein a souvent dit que dans sa carrière cinématographique il prenait tout ce qu’on lui présentait, il est aussi tributaire de ses choix autant que de son allure physique. Celle-ci le vouait évidemment aux personnages sombres. Dans sa filmographie, il a été marqué par la Seconde Guerre mondiale. On le retrouve dans des rôles de résistants, par exemple en 1959 dans La sentence de Jean Valère sur un scénario développé à partir d’une idée qui lui était personnelle. A partir de cette idée il tirera d’ailleurs une pièce de théâtre et un roman avec son ami Frédéric Dard, le roman s’intitulera Le sang est plus épais que l’eau et paraîtra au Fleuve noir, toujours en 1959. La pièce s’appellera Six hommes en question en 1963. Mais en 1959, il va endosser l’uniforme nazi. Cependant il le fait à travers une confrontation entre deux espions, un homme et une femme, chacun ne sachant pas si l’autre est un agent nazi ou un agent de l’IS. L’ambiguïté déborde donc la simple question de la justesse de la cause et de la lassitude des combats. Pour ce rôle, Robert Hossein s’est teint les cheveux en blonds, un peu à la manière de Marlon Brando dans The Young Lions d’Edward Dmytryk en 1957. 

Le vice et la vertu, Roger Vadim, 1963 

En 1963, alors qu’il monte au théâtre Antoine la pièce Six hommes en question, sur le thème d’un traître qui a infiltré un réseau de Résistants donc, un homme ambigu, Roger Vadim, avec qui il était très lié, va lui proposer le rôle du colonel SS Erik Schorndorf, dans une adaptation des personnages du Marquis de Sade, transposés par Roger Vailland, un ancien Résistant, pendant la Seconde Guerre mondiale, ou plutôt à la fin de celle-ci, quand le régime nazi est en train de s’écrouler. Cette méditation sur le mal absolu est une réflexion sur la guerre comme un désir de mort – Thanatos – l’autre face de la nature humaine. Le colonel SS Erik Shorndorf est l’organisateur de l’apocalypse qui se termine dans une orgie sanglante. Le film est inspiré des personnages de Sade, Justine et Juliette, le bien et le mal.

Maldonne, Sergio Gobbi, 1968 

En 1968, Robert Hossein s’est déjà éloigné du cinéma, il va diriger le théâtre populaire de Reims. C’est un emploi qui ne paye guère par rapport au cinéma. Et donc il va être amené à jouer des petits rôles dans des films qu’on pourrait croire sans trop d’importance. Parmi ceux-ci, il y a Maldonne de son ami Sergio Gobbi avec qui il tournera plusieurs longs métrages, dont Le temps des loups qui est très bon dans le genre noir, l’année suivante. Maldonne est une sorte de suspense basé sur un ouvrage de Boileau et Narcejac, des maîtres du genre. Cette fois il est un ancien criminel de guerre nazi, Martin von Klaus qui est activement recherché. Mais cette enquête se double à la fois d’une mystérieuse combine, et d’une jeune femme qui est censée être folle. Si l’histoire est située à la fin des années soixante, le film montre Martin von Klaus, donc Robert Hossein, nostalgique de son sulfureux passé, et pour cela on le voit, dans le passé, avec son uniforme de nazi, ces images sont en noir et blancs et celles de la fin des années soixante en couleurs. Là encore il s’agit d’un personnage complètement mauvais, qui baigne dans le crime, que celui-ci se commette pour des raisons idéologiques ou pour des raisons crapuleuses.   

 La bataglia di El Alamein, Giorgio Ferroni, 1969 

En 1969 Robert Hossein va encore revêtir l’uniforme nazi dans deux films de guerre italiens, c’est-à-dire dans des films où les Italiens se sont retrouvés du mauvais côté de l’Histoire. Le premier est La bataglia di El Alamein. Ce film de Giorgio Ferroni, un spécialiste du cinéma de genre qui se cachait sous le nom de Calvin Jackson Padget, va permettre à Robert Hossein de prendre la place du général Rommel, un personnage prestigieux auquel on attribuait des grandes capacités stratégiques, et qu’on disait pas tout à fait nazi. On l’oublie un peu mais à cette époque Robert Hossein était encore une très grande vedette en Italie. C’est un rôle assez étroit, mais il lui permet de revêtir une nouvelle fois l’uniforme nazi, avec plaisir !    

La bataglio del deserto, Mino Loy, 1969 

Dans la foulée, il va encore jouer le rôle d’un soldat allemand, le capitaine Curt Heinz dans un film de Mino Loy, La bataglia del deserto. C’est encore un autre petit rôle, et encore dans le désert ! Cette fois le film est plutôt à l’avantage des Anglais ! C’est donc une curiosité que cette carrière de Robert Hossein sous uniforme allemand. En effet, lui-même était issue d’une famille assez curieuse, son père musicien qui était d’origine azéri-iranienne, et sa mère qui était d’origine juive et venait de Bessarabie. Ce mélange curieux explique peut-être pourquoi il se convertira au catholicisme, n’ayant pas de véritable motivation pour la religion de ses parents. Que cherchait Robert Hossein en endossant ces rôles très marqués, sachant qu’il n’avait aucune complaisance pour une idéologie nazie ? Inconsciemment c’était sans doute une manière d’explorer le mal en l’incarnant. Notez qu'un de ses films préférés qu'il a réalisés c'est Le vampire de Dusseldorf en 1965. Il incarnait Peter Kurten, un serial killer qui dans les années trente, en Allemagne incarna lui aussi le mal absolu.

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